Position de la Fédération Jalmalv

sur le projet de loi sur la fin de vie

novembre 2024

 Comme Jalmalv l'a toujours fait, Jalmalv continuera à proposer un accompagnement aux personnes gravement malades et/ou en fin de vie, y compris à celles qui demandent à mourir. La demande de mourir de façon anticipée existe parfois, les bénévoles en sont témoins. Mais l’expérience de tous les accompagnants nous montre à quel point désir de vie et désir de mort sont mêlés et fluctuants et combien il est important de répondre à cette demande avant tout par une écoute et un accompagnement qui aident à cheminer. 

 

Jalmalv ne juge pas et condamne encore moins ceux qui pensent que l'euthanasie ou le suicide assisté doivent être mis en oeuvre pour eux-mêmes. Le contexte actuel de carences du système de santé, la crise de l'hôpital public et de la démographie médicale, l'insuffisance d'accès aux soins palliatifs (seulement la moitié de ceux qui en ont besoin y ont accès) ne font qu'accentuer l'émergence de cette demande. Mais Jalmalv témoigne de l’écart qui existe entre cette demande présentée comme majoritaire dans les sondages faits auprès des encore bien portants et le très petit nombre de demandes persistantes chez les grands malades condamnés à terme rapproché. 

Positionnement par rapport aux évolutions législatives en cours (2024-2025)

En s'appuyant sur l'expérience de terrain des accompagnants bénévoles, Jalmalv veut alerter sur les conséquences possibles, pour les individus et pour la société, des évolutions législatives envisagées, qui donnent le droit de provoquer la mort. Jalmalv rappelle l'avis 139 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) en 2023 : la condition préalable avant d'envisager d'autres réponses législatives est que tous ceux qui en ont besoin aient accès aux soins palliatifs et à l'accompagnement, ce qui n’est pas le cas actuellement. 

  1. Pour Jalmalv, la réponse première à une demande de suicide assisté (et/ou d'euthanasie) est l'accès partout et pour tous ceux qui le requièrent aux soins palliatifs et à l'accompagnement. Toutes les études montrent que 98% des demandes disparaissent avec une prise en charge adaptée. 

  2. Pour les personnes qui sont dans des situations particulièrement complexes (0,3% des décès annuels, soit moins de 2000 personnes par an) et dont la demande persiste, Jalmalv pense que la réponse ne peut pas être donnée par une loi générale nouvelle, mais par des décisions éthiques, prises par des médecins et des juges, au cas par cas, dans le cadre des dispositions législatives actuelles (lois de 2005 et de 2016 sur les droits des malades). 

Jalmalv alerte sur les dispositifs de légalisation en projet

  1. Confusion - L’expression "aide à mourir" mise en avant dans le projet de loi recouvre l’euthanasie et le suicide assisté, c’est à dire la mort provoquée et non le soulagement et l’accompagnement. L’euthanasie et le suicide assisté sont assimilés à un soin, qui serait remboursé par la sécurité sociale. Or provoquer la mort ne peut pas être un soin, c'est au contraire une rupture dans le soin.
  2. Déni de solidarité - Donner un choix équivalent entre mort provoquée et soins palliatifs, c’est envoyer aux plus vulnérables et aux plus vieux le message que leur mort anticipée est légitime, qu'ils peuvent la choisir, qu’ils ne comptent plus pour la société. La pression sociale sur ceux qui se sentent déjà à charge ou inutiles sera énorme. Et comment ne pas redouter les énormes enjeux économiques sous-jacents ?
  3. Contradiction sociétale - Si le suicide assisté devient un droit, comment donner du sens à la prévention du suicide ? Comment déterminer quelle souffrance légitimera –ou non - le suicide ? Comment croire à la solidité des bornes posées par le législateur ?
  4. Conflit entre liberté individuelle et solidarité collective - Le droit de choisir la façon et le moment de mourir sont mis en avant, au nom de la liberté, comme un progrès de société. Mais est-on libre quand on souffre ? Est-on libre quand on est vulnérable et affaibli ? Et cette liberté peut-elle s'imposer à l’autre ? Il s’agit d’une rupture culturelle majeure car jusqu’à présent, la société protégeait la vie : prise en charge du suicidant, délit de non-assistance à personne en danger, interdit du meurtre. Si les conséquences sur le lien social de cette rupture n'apparaîtront que pour les générations futures, Jalmalv alerte aujourd'hui sur le risque de récession de la valeur de fraternité. 

Face à tous ces enjeux, Jalmalv choisit de continuer à s’engager

pour que l’accompagnement et les soins palliatifs soient accessibles à tous,

Pour qu’il y ait une véritable politique financée de développement des soins palliatifs et une politique en faveur du grand âge. Chacun d’entre nous est ou sera confronté à la mort et au deuil. Nous oeuvrons pour que la complexité du rapport à la mort ne soit pas occultée par des débats binaires. Nous voulons une société solidaire et fraternelle. Nous voulons soutenir le désir de vivre de ceux qui doutent et, tout en respectant les convictions de l’autre, lui dire qu’il compte pour nous, que sa vie a de la valeur pour nous. 

 Position validée par le Conseil d’administration / novembre 2024